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CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX ENFANTS : NOUS AVONS PORTÉ LEUR VOIX

CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX ENFANTS : NOUS AVONS PORTÉ LEUR VOIX

Le 15 novembre 2025, le collectif enfantiste organisait une manifestation nationale à Paris et dans toute la France contre les violences faites aux enfants et aux adolescents. En tant que représentant d'UNE VOIX, ENSEMBLE !, j'ai eu l'honneur de participer à cet événement historique, d'abord lors de la conférence de presse du matin, puis dans les rues de Paris.


Une mobilisation sans précédent

Tout a commencé par un message de Claire Bourdille du Collectif Enfantiste, m'invitant à prendre la parole lors de cette journée cruciale. L'objectif était clair : configurer un espace de parole safe et donner enfin une tribune à celles et ceux que notre société fait taire depuis trop longtemps.

Le matin : une conférence de presse accablante

La matinée a été marquée par une succession de témoignages et de constats glaçants sur l'état de la protection de l'enfance en France.

L'école abandonne ses enfants

L'Union syndicale solidaire a ouvert les interventions en dénonçant une politique systématique d'économies sur le dos des enfants. Les chiffres donnent le vertige : 110 classes de collège ont fermé entre 2017 et 2024, une baisse de 3200 postes concernant les personnels enseignants, médicaux, sociaux et AESH. Résultat ? 50 000 enfants en situation de handicap sont sans accompagnant (chiffre de la rentrée 2025), et plus de 2000 enfants se sont retrouvés à la rue avant la rentrée scolaire 2024.

Leur message résonne encore : "Les enfants qui ne vont pas bien ne peuvent pas bien apprendre."

Mon intervention

J'ai pris la parole lors de cette conférence de presse pour demander qu'on protège les enfants et qu'on arrête de menacer les mamans qui protègent. Mediapart a par ailleurs fait un article sur cette journée où ils évoquent mon intervention :

« À 16 ans, cheveux bouclés, veste soignée, Egon "demande qu'on protège les enfants et qu'on arrête de menacer les mamans qui protègent" – parfois confrontées à la surdité de la justice, voire à des poursuites engagées par les pères. Un peu plus tôt, devant la presse, il a confié sa propre histoire, classée sans suite au motif d'une infraction "insuffisamment caractérisée".

"Quand j'avais cinq ans, je croyais que tous les papas faisaient ça, raconte-t-il. La nuit, je guettais les bruits de la maison, le moteur de la voiture qui s'arrêtait, je serrais très fort les élastiques de mon pantalon. Dans ma chambre, j'ai construit une cabane, mais il me trouvait toujours. Aujourd'hui, je suis là parce que je refuse que des enfants de cinq ans construisent des cabanes pour se protéger."

Egon dit sa colère de n'avoir pas été écouté par les autorités quand il a parlé. "Chaque nuit encore, je me réveille en sursaut, je vérifie que la porte est bien fermée. Je ne vais plus à l'école, ma tête est trop fatiguée." »

La parole confisquée

Des membres de l'association Mouv'Enfants et du soutien Ciivise ont pris la parole. Leur constat est brutal : "Il n'y a pas de volonté politique de regarder en face et d'entendre les enfants. Un enfant parle toujours, c'est la société qui le silence."

En 2021, le président de la République a mis en place la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants). Pendant deux ans, un travail colossal a été mené, basé sur l'écoute des victimes, aboutissant à 82 préconisations concrètes.

Le bilan trois ans après ? Aucune préconisation n'a été mise en œuvre. Pire encore : éviction du juge Édouard Durand, départ de 10 membres de la Ciivise, suppression des réunions publiques où les victimes pouvaient témoigner.

"L'inceste tue sur le moment et à long terme. Le cancer tue, l'inceste tue. Il y a un plan cancer mais il n'y a pas de plan inceste."

L'urgence de protéger

L'association Caméléon a rappelé une vérité dérangeante : "Notre société n'est pas un espace sûr pour les enfants." L'indignation face aux poupées à caractère sexuel en vente libre contraste cruellement avec l'inaction face aux 20 000 enfants exploités sexuellement en France.

Leurs revendications sont claires :

  • Une réforme en profondeur de l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance) qui prend en charge 400 000 enfants
  • La création d'un ministère pour l'enfance et la jeunesse – rappelons que 22 % des citoyens sont des enfants
  • "Protéger les enfants, c'est le devoir de l'État"

Une lutte historique

Suzie Rotman, fondatrice du Collectif féministe contre le viol et membre de la coalition enfantiste, a rappelé le long combat pour faire reconnaître les violences sexuelles faites aux enfants. Elle s'étonne toujours "qu'une société telle que la France, qui chérit plus que tout les enfants, soit capable de développer un tel paradoxe dans le viol et l'agression des enfants."

Depuis 1986 et le témoignage d'Éva Thomas dénonçant les viols de son père à la télévision, depuis les médecins du XIXe siècle qui dénonçaient déjà l'inceste, la lutte continue. En 1989, une victoire : le délai pour déposer plainte est décalé de 10 ans après la majorité. Mais en 1998, une femme passe devant l'ordre des médecins pour avoir dénoncé des violences sexuelles dans une famille.

Parmi les revendications portées :

  • Une loi-cadre intégrale contre les violences faites aux enfants
  • Un entretien individuel annuel pour chaque enfant permettant de parler en dehors de la famille
  • L'abolition de la clause Roméo et Juliette qui permet la recherche du consentement pour les moins de 5 ans d'écart d'âge
  • La mise en place effective de l'EVARS (L'Éducation à la Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle)
  • Le renforcement de la législation contre la pédocriminalité en ligne et la prostitution des mineurs

L'ASE : un système à bout de souffle

Lyes Louffok, figure emblématique de la lutte pour la réforme de l'ASE, a dressé un constat accablant : "Malgré les nombreux constats sur la situation catastrophique de l'ASE, les choses empirent."

Les chiffres sont insoutenables :

  • 10 enfants ont péri dans l'ASE depuis juillet 2024
  • 1 enfant est tué par ses parents tous les 5 jours
  • La moitié vivaient dans des familles déjà suivies par les services sociaux
  • Des lits de camp installés dans les couloirs de l'ASE
  • 1 enfant sur 2 placé à l'ASE a déjà subi ou subit durant son placement des violences sexuelles
  • Malgré l'interdiction, l'ASE continue de placer des enfants en camping et en hôtel
  • Un enfant placé perd en moyenne 20 ans d'espérance de vie

Mais Lyes Louffok refuse la fatalité : "Il y a des solutions." Il annonce que des propositions concrètes issues du rapport de la commission d'enquête seront votées le 11 décembre, notamment :

  • La présence obligatoire d'un avocat lors d'un placement
  • Des garanties renforcées pour protéger les mineurs

L'après-midi : dans les rues pour les enfants

Après cette matinée éprouvante mais nécessaire, nous sommes descendus dans les rues de Paris pour porter ces voix, ces témoignages, ces revendications. L'énergie était palpable, la détermination intacte.

Comme le rappelle l'article de Mediapart, l'enfantisme est devenu un véritable mouvement social. Ce n'est plus une voix isolée, mais un chœur puissant qui refuse que les violences faites aux enfants restent un tabou, une fatalité, un sujet qu'on aborde du bout des lèvres avant de passer à autre chose.

Notre engagement continue

Pour UNE VOIX, ENSEMBLE !, cette journée n'était pas une fin mais un commencement. Chaque témoignage entendu, chaque chiffre énoncé, chaque revendication portée nous rappelle pourquoi nous existons : pour donner une voix à celles et ceux qu'on fait taire, pour créer des espaces de parole sûrs, pour refuser l'inacceptable.

Les enfants parlent toujours. C'est à nous, en tant que société, de les écouter enfin.


Egon, pour UNE VOIX, ENSEMBLE
Pour soutenir notre action et celle du collectif enfantiste, pour que les 82 préconisations de la Ciivise soient mises en œuvre, pour qu'un véritable plan de lutte contre l'inceste voie le jour : continuons de porter leurs voix, ensemble.